En vertu du Code civil du Québec, lors d’une rupture de l’union, les conjoints de fait n’ont pas droit au partage du patrimoine familial, ni à une pension alimentaire. Encourageant pour certains, désolant pour d’autres. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Selon la situation, un recours pour enrichissement injustifié peut toutefois être intenté par un conjoint de fait. Récemment, la Cour supérieure, dans un jugement rendu par l’honorable juge Robert Mongeon[1], a octroyé une somme de 2 300 000 $ à une conjointe de fait parce qu’elle s’est appauvrie en s’occupant de la famille et de la maisonnée, alors que cela avait permis à son ex-conjoint de se concentrer sur ses entreprises et de devenir multimillionnaire. Dans cette affaire, il s’agissait d’une union de fait qui avait duré 16 ans. Monsieur, trois mois après avoir touché 17 000 000 $ à la suite de la vente de sa part dans une entreprise, annonçait à madame qu’il la quittait. Monsieur n’avait plus besoin de travailler, ce qui n’était pas le cas pour madame. La Cour estime que madame serait adéquatement indemnisée par l’octroi d’un montant équivalent à 20 % de la valeur nette de monsieur à la date de la séparation, tenant pour acquis que les valeurs nettes des deux conjoints au début de l’union étaient équivalentes. Ce montant était de 3 400 000 $ duquel ont été déduites les contributions de monsieur à la valeur nette de madame durant l’union, pour un montant final de 2 300 000 $.
Nous pouvons nous demander si une telle décision pourra donner lieu à une augmentation des demandes d’indemnisation des conjoints de fait sur la base de l’enrichissement injustifié[2]. Si tel est le cas, certains voudront peut-être songer à mettre des fiducies en place avant le début d’une union de fait, en vue de protéger certains de leurs actifs, ou la valeur de ceux-ci, en cas de rupture de l’union. La décision très attendue de la Cour suprême dans l’affaire Karam pourrait avoir des répercussions en cette matière. À suivre avec intérêt.
[1] Droit de la famille — 182048, 2018 QCCS 4195.
[2] Cette décision a été portée en appel par monsieur, lequel a déjà requis dans le cadre de ses procédures la suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance de provision pour frais. Voir Droit de la famille – 182680, 2018 QCCA 2190, qui rejette cette requête.